Bouvines, l’histoire d’une nation

Ce village, jadis appelé Pont-à-Bouvines, est situé entre Lille et Tournai, à quelques kilomètres de la frontière franco-belge. Autrefois sous la dépendance des abbayes de St-Amand et de Cysoing, il est bâti sur la rive droite de la Marque,rivière autrefois marécageuse et impossible à franchir pour les charrois. Son ancien nom exprime assez le rôle stratégique qu’il a pu jouer, dans ce couloir d’invasions, au cours des innombrables guerres qui ont ensanglanté ces riches terres tant disputées de la Flandre dite française.

Au début du XIIIe siècle, dans un contexte d’élan démographique, de ferveur religieuse et d’essor économique dans la chrétienté européenne, la dynastie capétienne, qui se présentait comme héritière de Clovis et de Charlemagne sur le trône de France, avait succédé en 987 aux Carolingiens. Forte d’une heureuse suite de successions en ligne directe, elle avait réussi à rendre la Couronne définitivement héréditaire. Le roi Philippe II dit « Auguste » (étymologiquement : celui qui est né en août et/ou celui qui augmente son héritage) était le septième de cette lignée. Il tenta de réaliser le vieux rêve de rendre effective sa suzeraineté nominale sur ses puissants vassaux du « Royaume des Francs ».

Relayé par un début d’administration forte et dévouée, avec une habileté obstinée et peu regardante des moyens, il chercha à diminuer la pression que le royaume subissait, à la fois au Sud et à l’Ouest, de la part des Plantagenêt (cette famille angevine possédait, en plus de l’Angleterre, les 2/3 des fiefs du royaume de France). Il voulut, au Nord, rogner sur l’opulent comté de Flandre alors à son apogée, et se prémunir des menaces des ambitieux détenteurs du saint Empire romain germanique, à l’Est.
Philippe, chrétien autant par opportunité que par conviction, comme tous les princes européens, tenta de se concilier les bonnes grâces de la cour de Rome. Après de nombreux démêlés, notamment liés à sa situation matrimoniale, il réussit à se faire passer pour le défenseur des intérêts du saint Siège. Il se plaça en position favorable dans les conflits qui mirent aux prises Innocent III avec l’empereur Othon et avec le roi Jean d’Angleterre.

Une puissante coalition se forma contre Philippe, ce « roitelet », comme le nommaient ses ennemis. Elle regroupa les trois plus puissants princes d’Europe : Othon IV de Brunswick, Jean Sans Terre, roi d’Angleterre, Ferrand de Portugal, comte de Flandres, Renaud de Damartin, comte de Boulogne. Elle attira également d’influents barons français, mécontents de l’autoritarisme du roi.

Le dimanche 27 juillet 1214, l’armée française doit traverser la Marque pour emprunter le pont de Bouvines ; bien que l’Eglise l’interdise, Othon, déjà excommunié, décide de lancer l’agression sur l’arrière-garde française, Philippe Auguste est dans l’obligation d’engager la bataille. La victoire du roi, dont pourtant les troupes étaient apparemment en nombre inférieur et moins aguerries, fut sans doute remportée par la supériorité stratégique et la cohésion des soldats et de leurs chefs et par les prouesses techniques des chevaliers français qui étaient considérés comme les meilleurs tournoyeurs de leur temps. L’effet de surprise joua un grand rôle dans la célébrité de ce fait d’armes médiéval. Son issue inattendue fut vantée par le clergé français comme miraculeuse.

Cette bataille a des conséquences déterminantes à l’étranger. Otton perd sa couronne, les comtes de Flandres perdent leur puissance. Dépossédé de ces territoires, Jean sans Terre cesse les hostilités contre la France et regagne l’Angleterre. Déconsidéré, il est mis sous la tutelle de ces barons et leur accorde la « Grande Charte » (1215).

Cette bataille a inspiré de nombreux écrivains et artistes tels Georges Duby, Ernest Lavisse, Robert Garnier, Max Gallo ou encore Horace Vernet et Georges Mathieu.

©J.L. Pelon – Société Historique du Pays de Pévèle – 2009